Préparer une première interview d’artiste me donne toujours un petit mélange d’excitation et de trac : c’est une occasion de découvrir quelqu’un en profondeur, de capter des émotions et des histoires, mais aussi un exercice délicat qui demande préparation, écoute et respect. Après avoir mené des dizaines d’entretiens pour Lastbarons, j’ai appris des méthodes et des erreurs à éviter — voici ce qui, pour moi, fonctionne le mieux lorsque je prépare une première rencontre avec un·e musicien·ne.
Avant l’interview : rechercher, contextualiser, définir un angle
La recherche préalable est le socle de toute bonne interview. Je ne parle pas de lire vite fait la bio sur Bandcamp, mais de creuser : écouter l’album en entier, regarder quelques lives, lire les interviews précédentes, consulter les réseaux sociaux et la presse locale. Cette base me permet de poser des questions pertinentes et d’éviter les redondances.
Ensuite, je définis un angle : quel fil rouge veux-je suivre ? L’écriture d’un disque, une tournée, un changement artistique, une collaboration improbable, ou encore le rapport aux origines ? Avoir un angle évite les questions dispersées et donne un récit à l’interview. Si l’artiste a sorti un EP aux influences world et électro, mon angle peut être « comment marier trad et synthé » plutôt que « parlez-moi de vos influences » en boucle.
Les questions qui révèlent (et pourquoi elles marchent)
Je privilégie toujours des questions ouvertes qui invitent à raconter une histoire plutôt qu’à répondre par oui/non. Voici celles que j’utilise le plus souvent — et que je reformule selon l’artiste :
Ces questions fonctionnent parce qu’elles demandent un souvenir, une justification, une émotion — des choses que la simple fiche promo ne donne pas.
Pièges à éviter
Il y a des erreurs qui tuent la conversation ou qui mettent l’artiste mal à l’aise. En voici les plus fréquentes :
Logistique et matériel : être pro sans être intimidant
Pour une première interview, j’apporte le minimum pro pour éviter les faux pas tout en restant chaleureuse :
Créer le bon cadre humain
La relation que vous installez en début d’entretien fait tout. J’arrive souvent 10-15 minutes en avance pour échanger hors micro, boire un café, écouter un morceau qu’ils souhaitent partager. Cette mise en condition aide à détendre l’atmosphère et à déclencher des confidences plus naturelles.
Je pose aussi des règles claires : combien de temps, si l’échange est enregistré, comment seront utilisées les citations. La transparence évite les malentendus et instaure la confiance.
Questions sensibles et comment les aborder
Traitant parfois de sujets intimes (santé mentale, finances, conflits de groupe), je préfère annoncer la question : « J’aimerais aborder un sujet un peu délicat. Si vous préférez ne pas y répondre, dites-le simplement. » Cette clause de silence donne à l’artiste le choix et souvent une réponse plus franche.
Autre technique : reformuler en « vous » plutôt qu’en « tu » pour créer de la distance : « Comment avez-vous vécu… » au lieu de « Est-ce que ça vous a blessé ? »
Après l’interview : suivi et bonnes pratiques
Je n’envoie pas immédiatement la publication, mais j’envoie un message de remerciement dans les 24h, parfois avec un petit extrait audio ou une photo prise pendant l’entretien. Avant publication, j’envoie les extraits majeurs à relire si la parole peut être interprétée de façon sensible — pas pour faire valider la totalité, mais pour éviter les erreurs factuelles et montrer du respect.
Enfin, je partage toujours l’article avec l’artiste sur mes réseaux et je tague les personnes concernées. La promotion mutuelle renforce les liens et aide à construire une communauté autour du projet.
| Situation | Question d’ouverture |
|---|---|
| Nouvel album | « Quelle idée ou image a guidé l’écriture de cet album ? » |
| Première tournée | « Quel est votre souvenir le plus marquant de ces premières dates ? » |
| Collaboration | « Comment vous êtes-vous rencontrés et qu’est-ce qui a déclenché l’envie de travailler ensemble ? » |
Chaque interview est unique. Ce cadre m’aide à emmener la conversation là où elle a le plus d’intérêt pour le lecteur et pour l’artiste. Restez curieux·se, préparez-vous, et surtout, écoutez : c’est souvent dans un détail anodin qu’on trouve la phrase qui fera vibrer l’article.