Recevoir une promo presse, c’est un peu comme ouvrir une porte vers un univers : nouvel album, EP, tournée, clip — des possibilités d’articles, d’interviews, de découvertes. Mais derrière les accroches léchées et les visuels soignés, il y a parfois du marketing qui cherche surtout à créer du buzz plutôt qu'à informer. Avec les années à couvrir sorties et rencontres d’artistes, j’ai développé une petite check-list mentale pour séparer le vrai du flou. Voici comment j’évalue l’authenticité d’une promo presse et j’évite les pièges marketing.
Premier tri : l’origine et la forme du message
La première chose que je fais, avant même d’écouter une seconde d’audio, c’est regarder d’où vient le message.
- Adresse e-mail : provient-elle d’un domaine professionnel (ex. @label.fr, @management) ou d’un Gmail/Bol.com ? Un mail envoyé depuis un domaine officiel n’est pas une garantie absolue, mais c’est souvent un bon signe.
- Signature : y a-t-il les coordonnées complètes (nom, poste, label/structure, téléphone, site) ? Les press releases sérieuses comportent des contacts clairs.
- Pièces jointes : est-ce qu’on vous envoie un dossier presse (EPK) structuré — bio, photos haute résolution, liens streaming, dates de tournée — ou seulement une accroche et un zip douteux ?
Je me méfie aussi des envois massifs anonymes. Si le ton semble générique ("Bonjour à tous les médias"), je recherche des signes de personnalisation : la mention du blog, une référence à une chronique passée, ou une proposition d’angle spécifique. Un vrai attaché de presse qui me connaît adaptéra son discours.
Vérifier les éléments factuels
Une promo crédible tient la route sur le plan factuel. Voici les points que je vérifie systématiquement :
- Dates et lieux : sorties, festivals, dates de tournée. Ils doivent correspondre aux calendars officiels (site de l'artiste, Pages Facebook/Instagram, Bandcamp).
- Collaborations : si la promo annonce une collaboration avec un artiste connu, je cherche des confirmations ailleurs (communiqués du collaborateur, posts sur les réseaux sociaux).
- Récompenses et mentions : attention aux formulations ambiguës comme "nominé par X" sans préciser. Je vérifie les sources.
Pour ça, j’ouvre rapidement :
- le site officiel de l’artiste (ex. https://www.lastbarons.fr pour un blog, mais pour un artiste ce serait son propre site),
- les pages événement Facebook/Resident Advisor,
- Bandcamp, SoundCloud, Spotify, YouTube,
- les réseaux des partenaires évoqués (labels, bookers, médias cités).
Écouter avec l’oreille critique — et technique
Quand je clique sur un lien d’écoute, plusieurs signaux me permettent de juger :
- Plateforme : un lien vers une plateforme reconnue (Spotify, Apple Music, Bandcamp, YouTube) rassure. Les fichiers en pièce jointe ou les liens Drive demandant un téléchargement me rendent très prudent.
- Qualité audio : un press-kit sérieux propose souvent un stream en 320 kbps ou WAV en téléchargement sous embargo. Si l'audio est compressé au point d’être inaudible, il est difficile d’évaluer l’intention artistique.
- Watermarking/Embed : certains labels envoient des fichiers avec watermark (par exemple un bruit discret ou un clic) pour éviter la fuite. Ce n’est pas mauvais signe s’il est clairement indiqué.
Sur le plan artistique, je me pose aussi la question de l’originalité : l’objet promo s’inscrit-il dans une démarche (conceptuelle, esthétique) cohérente ou bien ressemble-t-il à un assemblage de tendances génériques visant le plus large public possible ? Les deux peuvent être légitimes, mais le discours autour de l’œuvre m’aide à comprendre si l’intention est profonde ou opportuniste.
Les signes qui trahissent un trop-plein de marketing
Voici les drapeaux rouges que j’ai appris à repérer rapidement :
- Hyperbole excessive : phrases comme "le futur du genre", "album révolutionnaire" sans arguments concrets indiquent souvent une tentative de buzz.
- Comparaisons vagues : "pour fans de Radiohead/Daft Punk/Arcade Fire" à tout-va — si c’est le seul angle, méfiance.
- Press kit sans bio : pas d’historique, pas de références. C’est le signe d’une promo montée pour l’occasion sans substance.
- Métriques non sourcées : "10 millions de streams" mais qui ? sur quelle plateforme ? sur une seule chanson ou l’ensemble ?
- Demandes pressantes : urgences artificielles ("répondez avant 48h!") pour obtenir un article rapidement peuvent être liées à des objectifs de playlisting ou d’algorithmes, pas forcément à la qualité artistique.
Valider les personnes en arrière-plan
Quand la promo mentionne un label, un manager ou un attaché de presse que je ne connais pas, je prends le temps de :
- vérifier le site du label et sa discographie,
- chercher des références d’autres artistes en contrat,
- consulter LinkedIn pour confirmer l’identité et le parcours du contact.
Les faux labels existent et peuvent être montés pour gonfler artificiellement la crédibilité d’un projet. Si un label n’a aucune trace digitale autre que la page du communiqué, je questionne davantage avant de relayer quoi que ce soit.
Demander des preuves sans gêne
Je n’hésite pas à poser des questions précises au contact presse. Voici un petit kit de questions que j’utilise :
- Peux-tu m’envoyer le press-kit complet (bio longue, photos haute rés, liens officiels) ?
- Y a-t-il un embargo ou une date de publication à respecter ?
- Pouvez-vous confirmer le lien vers le site officiel et les comptes réseaux sociaux ?
- Qui sont les partenaires/labels impliqués et puis-je avoir un contact pour le label ?
Une réponse rapide et transparente est souvent révélatrice : si l’attaché·e de presse prend le temps d’argumenter et de fournir des éléments concrets, j’ai plus de confiance. Si on me renvoie vers un dossier vague ou on évite les questions sur les sources, je reste sur la réserve.
Utiliser des outils et ressources
Quelques outils m’ont simplifié la vie :
- Whois pour vérifier l’enregistrement d’un domaine,
- Discogs/Bandcamp pour valider une discographie,
- Soundiiz ou Chartmetric pour vérifier la présence sur playlists (quand j’y ai accès),
- les recherches rapides sur Google Images pour vérifier l’origine des photos fournies.
| Outil | Usage |
| Whois | Vérifier la propriété d’un domaine e-mail/website |
| Discogs | Valider la discographie et les labels |
| Bandcamp | Écoute complète & informations directes de l’artiste |
Rédiger en gardant l’honnêteté
Quand j’écris une chronique ou que je relaie une sortie, je mentionne systématiquement mes sources : "selon le communiqué", "d'après l'EPK", ou "confirmé sur la page Facebook de l'artiste". Si des éléments me paraissent exagérés, je l’écris — avec courtoisie mais franchise. Mon but n’est pas de démolir, mais d’éclairer mes lecteurs sur ce qui est avéré et ce qui relève de la communication.
Enfin, si quelque chose me plaît réellement, je le dis. L’authenticité de mon enthousiasme est la meilleure garantie que je peux offrir à mes lecteurs : elle vient d’une écoute, d’un contexte vérifié et d’un regard critique éloigné des slogans marketing.